L’IA assiste l’humain dans tous les secteurs
Prenons l’exemple de Watson, l’intelligence artificielle développée par IBM. Cette IA est capable de répondre à des questions en langage naturel. En 2011, elle a même battu les meilleurs candidats de l’émission « Jeopardy » équivalent américain de « Questions pour un champion ». De nombreuses entreprises ont adopté Watson. En France, c’est notamment le cas du Crédit Mutuel, Orange Bank et Generali. Depuis maintenant cinq ans, cette IA épaule 25 000 conseillers dans plus de 5000 agences Crédit Mutuel et CIC.
L’entreprise a investi 40 millions d’euros sur cinq ans. La machine traite 300 000 demandes de clients par jour, et émet des recommandations de réponse.
En outre, Watson est capable d’aider à chercher des informations dans la base documentaire de la banque via une interface en langage naturel. Chacune de ses propositions est évaluée par le conseiller humain, qui y applique un clic vert ou rouge. Au fil du temps, Watson apprend continuellement pour améliorer sa fiabilité.
Pour l’heure, Watson se contente d’assister les employés humains sans les remplacer. Selon Claude Bailer, président de la section SNB CFE-CGC, « le programme n’a pas de conséquences sur l’emploi. Et il devrait faire gagner quinze à vingt minutes par jour aux conseillers, ce qui est appréciable .»
Toutefois, le Crédit Mutuel avoue rester « vigilant à moyen terme » . Au total, Watson permettra de libérer l’équivalent de 200 000 journées de travail humain sur cinq ans. Ceci équivaut à un an de travail de 1000 salariés, et représente une économie de 60 millions d’euros.
Pour l’heure, l’IA est principalement perçue comme une assistante pour l’expert. À l’Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique, des agents virtuels sont développés pour coacher et aider des personnes âgées dans leur quotidien. Toutefois, ils ne remplacent par l’humain et se contentent de lui fournir des informations utiles sur l’hygiène de vie ou la nourriture. Ces compagnons aident les personnes âgées, mais doivent intervenir en complément d’un humain.
En laissant les tâches répétitives aux machines, les humains pourraient potentiellement se concentrer sur des activités plus « valorisantes » . Par exemple, le studio d’animation TeamTO investit dans son département R&D. Il développe des outils IA d’optimisation de production, pour permettre aux animateurs de se concentrer sur les tâches créatives à forte valeur ajoutée. De même, les médecins et avocats peuvent être assistés par des logiciels de recherche bibliographique et se focaliser sur des tâches plus intéressantes.
Un comptable peut utiliser un outil IA pour interpréter automatiquement des factures et les inscrire dans les logiciels informatiques. Un photographe peut se tourner vers des logiciels IA pour corriger automatiquement des clichés capturés lors d’un événement. Dans ces différents cas de figure, l’IA ne remplace pas l’humain. Elle se contente de l’épauler.
Selon McKinsey, l’intelligence artificielle devrait contribuer à faire gagner 1,2% au PIB mondial chaque année jusqu’en 2030. De même, Accenture considère que l’IA permettra une augmentation de la productivité jusqu’à 38% dans certains pays.
Vers l’automatisation du travail
Toutefois, d’autres entreprises en difficulté vont plus loin et choisissent d’utiliser Watson pour supprimer des postes plutôt qu’en guise de simple outil d’aide à l’activité. En guise d’exemple, on peut citer la Royal Bank of Scotland (RBS) ou encore l’assureur japonais Fukoku.
Or, IBM Watson reste une intelligence artificielle relativement « faible » . Elle est incapable de décoder des savoirs implicites, des sens cachés, figurés. Son champ d’action se limite à des tâches très précises, pour lesquelles elle a été programmée explicitement.
Il ne s’agit pas d’une intelligence artificielle générale, consciente d’elle-même, et capable d’apprendre à effectuer de nouvelles tâches de manière pleinement autonome. Une telle IA n’existe pas encore, et ne devrait pas voir le jour avant plusieurs années malgré les récentes avancées majeures.
Malgré les limites actuelles de l’IA, elle occupe un rôle toujours plus important dans beaucoup de secteurs. Au sein des cabinets de juristes, par exemple, la rédaction d’actes standardisés est automatisée.
L’intelligence artificielle peut aussi passer en revue des milliers de CV par seconde dans le domaine des Ressources Humaines. L’automatisation se fraye aussi une place dans le trading. Autre exemple : un hôpital américain a adopté IBM Watson pour aider des oncologues à établir les diagnostics et les traitements plus rapidement pour leurs patients.
En poursuivant son essor, l’IA pourrait bel et bien mettre en péril de nombreux emplois dans un futur proche. Selon Erwann Tison, économiste du think tank Institut Sapiens, « un métier est considéré comme menacé dès lors que 70% des tâches associées peuvent être automatisées » . Sans aller jusque là, beaucoup de métiers seront transformés en profondeur.
Certains répondront que ce n’est pas une nouveauté, et que la technologie a toujours impacté le monde de l’emploi. Toutefois, la différence principale avec les précédentes révolutions industrielles est que l’IA n’impactera pas uniquement les emplois les moins qualifiés.
L’intelligence artificielle impacte aussi fortement le processus d’embauche. Déjà à l’heure actuelle, 75% des CV sont rejetés automatiquement par un système d’IA avant même qu’un humain les liste.
Dès 2018, 67% des responsables RH déclaraient que l’IA simplifiait le processus d’embauche. Toutefois, beaucoup craignent que cette technologie amplifie la discrimination. Par exemple, la startup HireVue a cessé d’utiliser la reconnaissance faciale à cause d’un risque de biais. Elle se concentre désormais sur l’analyse audio et le traitement naturel du langage.
Quels métiers seront pris par l’IA ? Les prédictions
En tentant de prédire l’impact global de l’IA sur l’emploi, les économistes émettent des avis divergents. En 2013, une étude d’Oxford prédisait 47% de destructions d’emploi aux États-Unis. En 2019, l’OCDE a prédit 14% d’emplois détruits dans les 15 à 20 ans à venir et 16,4% en France.
De son côté, le Conseil d’orientation de l’emploi (COE) français anticipe 10% d’emplois vulnérables en France. De même, 50% d’emplois pourraient être impactés significativement sans disparaître pour autant.
À court terme, les professions les moins qualifiées comportant des tâches répétitives et facilement automatisables sont les plus menacées par l’IA. Selon le rapport de Cédric Villani, mathématicien et député de l’Essonne, les postes d’ouvriers non qualifiés dans les industries de process, la manutention, le second oeuvre du bâtiment, la mécanique, les agents d’entretien et les caissiers seront les premiers à se voir remplacés par des machines.
Selon le Forbes Technology Council, 13 secteurs sont particulièrement à risque dont les postes en entrepôt et à l’usine, les assurances, les services client, le rôle de chauffeur routier, ou encore « n’importe quelle tâche pouvant être apprise » …
Il existe également des simulateurs permettant de vérifier si son métier est menacé. On peut citer « willrobotstakemyjob.com » et « révolution-robot.fr » . Cette plateforme française évalue le risque de disparition de 242 métiers. Différents critères sont pris en compte, comme la pénibilité, l’attractivité, la complexité, la nécessité des relations humaines, le salaire moyen et le nombre d’emplois.
En se basant sur ces critères, même les rôles de médecin ou d’avocat ne sont pas à l’abri de l’IA. De même, les comptables ou les auditeurs internes risquent d’être remplacés dans un avenir imminent.
La disparition semble encore plus proche pour les manutentionnaires, secrétaires de bureautique, employés de banque et d’assurance ou les caissiers. Les effectifs de ces métiers baissent déjà depuis 30 ans, et l’IA va enfoncer le couteau dans la plaie.
Aux États-Unis, les entreprises industrielles, automobiles et non-automobiles, investissent massivement pour automatiser leurs processus et maintenir leur compétitivité dans un contexte de pénurie de travailleurs spécialisés.
Outre la pénurie de composants électroniques, l'industrie technologique subit une autre disette, celle des travailleurs compétents. Elle résulte de différents facteurs liés aux effets de la pandémie de Covid-19. La forte demande des produits et services technologiques et numériques, liée à la numérisation galopante de tous les pans de la société, fait principalement face à deux obstacles.
Le phénomène de la "grande démission"
D'abord, une vague globale de démissions depuis le printemps 2021 dans de nombreuses industries, dont la tech, à mesure que des salariés reconsidèrent leur approche à l'emploi (quête de sens, d'éthique, de meilleures conditions de travail, de mobilité géographique, de salaires plus élevés…). En août 2021 aux États-Unis, par exemple, 4,3 millions de personnes ont quitté leur emploi, selon le Bureau of Labor Statistics du pays. Un record. Et ce après des records déjà atteints les mois précédents. Un phénomène que plusieurs médias anglophones ont déjà qualifié de Great Resignation ("grande démission"). Dans la tech française, Numeum, syndicat professionnel de l'industrie numérique, estime qu'il manque encore chaque année 10 000 profils adaptés.
Dans combien de temps les métiers seront-ils remplacés ?
Afin de savoir à quelle date les métiers deviendront obsolètes, les chercheurs de l’université d’Oxford ont interrogé les plus grands experts mondiaux en intelligence artificielle. Leur objectif est de savoir quand les machines surpasseront les humains dans différentes professions.
Cette étude a été menée par Katja Grace du Future of Humanity Institute d’Oxford. Au total, l’équipe a recueilli les réponses de 352 universitaires et experts industriels de l’apprentissage automatique. Par la suite, la médiane des réponses a été calculée pour obtenir des chiffres concrets.
Selon les résultats de cette enquête, les IA devraient surpasser les humains pour la traduction des langues dès 2024. Elles devraient être capables de rédiger des essais de niveau secondaires à partir de 2026, et même des chansons du top 40 à partir de 2028.
Dès 2027, l’IA serait capable de conduire des camions de manière autonome. Toutefois, la profession de routier pourrait être automatisée encore plus tôt grâce aux innovations rapides et constantes d’entreprises comme Tesla. L’IA pourrait aussi s’inviter dans nos foyers. Dès 2022, elle pourrait exceller à effectuer des corvées ménagères comme le pli du linge. Plus loin dans le futur, en 2031, l’IA pourrait piloter des machines dans les magasins.
En 2049, l’IA pourrait écrire les best-sellers du New York Times. Elle pourrait même pratiquer des opérations chirurgicales en 2053. De manière générale, l’IA devrait surpasser l’humain dans tous les domaines ou presque dans 45 ans.
Selon le MIT Technology Review, ces prédictions tendent à se réaliser plus tôt que prévu. Par exemple, l’IA n’était pas censée battre l’Homme au jeu de Go avant 2027. Or, ceci s’est produit en 2015. Il n’a fallu que deux ans à Alphabet DeepMind pour développer une technologie capable de triompher à ce jeu de plateau chinois au lieu des 12 ans escomptés. Toutefois, les prédictions à très long terme sont incertaines, car la technologie va beaucoup évoluer d’ici 40 ans. Notons que les prédictions divergent en fonction des régions du monde. Par exemple, les chercheurs asiatiques s’attendent à ce que l’IA dépasse l’humain dans 30 ans alors que les chercheurs nord-américains prévoient 74 ans. L’automatisation complète du travail devrait néanmoins survenir dans moins de 125 ans.
C'est là le deuxième obstacle : le manque de formation. Numeum estime aujourd'hui que les candidats ne seraient simplement pas assez formés aux métiers du numérique. Dans une industrie en plein essor, les entreprises cherchent bien à recruter, mais ne trouvent plus les bons candidats, qu'il s'agisse de développeurs, d'ingénieurs, de data scientists, d'informaticiens, des spécialistes du cloud, de la cybersécurité… À tel point que la pénurie de main-d'œuvre compétente représente désormais le principal obstacle à l'adoption de presque deux tiers des nouvelles technologies pour la majorité des entreprises (contre seulement 4 % en 2020), selon une étude du cabinet Gartner. Les dirigeants voient même ce manque comme une difficulté plus importante que les coûts de mise en œuvre de nouvelles technologies ou les risques de sécurité. Face à cela, la formation prend une place significative dans les ambitions de compétitivité technologique de la France : le plan France 2030 à 30 milliards d'euros d'Emmanuel Macron prévoit 2,5 milliards d'euros pour le recrutement et la formation.
Quels sont les métiers à l’abri de l’IA ?
Il existe des métiers moins exposés à l’automatisation du travail. Selon Kai-Fu Lee, de nombreux métiers restent à l’abri de l’obsolescence.
C’est le cas des rôles nécessitant la créativité, la conceptualisation, la gestion de planification stratégique complète, une coordination précise entre la main et les yeux, l’interaction avec des espaces inconnus ou non structurés, des sensations ou encore l’empathie et la compassion.
L’expert cite notamment les exemples de la psychiatrie, de la thérapie physique, des soins médicaux, de la recherche et de l’ingénierie en IA, de l’enseignement, de la défense criminelle, de l’informatique, de la science, du management et de l’écriture de fiction.
Selon le Bureau of Labor Statistics des États-Unis, de nombreux métiers impactés par l’IA pourraient croître à une vitesse supérieure à la moyenne sur le court terme. Les comptables, les scientifiques en forensiques, les techniciens géologues, rédacteurs techniques, opérateurs d’IRM, diététiciens, spécialistes de la finance, développeurs web, secrétaires médicaux ou représentant de services clients pourraient connaître un second souffle à travers l’IA.
Destruction créatrice : l’IA va-t-elle créer de l’emploi ?
Il est probable que l’intelligence artificielle sonne le glas de nombreux emplois. Toutefois, en contrepartie, de nouveaux métiers pourraient voir le jour.
Les métiers de l’IA
Déjà à l’heure actuelle, le déploiement de l’IA dans l’économie génère de nouveaux besoins en spécialistes de l’informatique et des mathématiques. En 2018, Airbus a recruté 250 personnes dans les métiers du digital dont des rôles d’ingénieurs en intelligence artificielle ou d’experts en Machine Learning. La digitalisation et l’intelligence artificielle impactent en profondeur la robotique, la maintenance, l’architecture industrielle ou l’automatisation.
Ainsi, cette technologie représente aussi une source d’opportunités avec un spectre plus large de possibilités d’embauches pour les diplômés. Les profils recherchés sont des experts hautement qualifiés, capables de faire de la programmation, et de développer des algorithmes. Les profils de Data Scientists sont recherchés par tous les organismes publics, grandes entreprises et startups afin de réaliser des prédictions. Parmi les principaux métiers de l’intelligence artificielle, on compte l’ingénieur en intelligence artificielle. Son rôle est de concevoir des programmes informatiques imitant la réflexion humaine. Il est à la fois chercheur et informaticien, et doit analyser le fonctionnement du cerveau humain sur un problème spécifique pour le reproduire au niveau du logiciel.
Ce spécialiste peut travailler dans une grande entreprise, un centre de recherche ou encore une startup. Ses domaines d’activité peuvent aller de l’informatique à l’armement, en passant par la production industrielle et une large variété de secteurs. Sa rémunération tourne en moyenne autour de 30 000 euros par an en début de carrière, mais peut rapidement doubler. Au-delà des métiers actuels, l’IA va aussi créer de nouvelles professions. Déjà en 2016, un rapport du forum économique de Davos prédisait que 65% des enfants entrant actuellement en école primaire exerceraient un métier qui n’existe pas encore.
Il y a une dizaine d’années, le premier iPhone a permis l’apparition de nouveaux métiers comme ceux de développeur d’application mobile ou responsable de la monétisation des jeux en ligne. À son tour, l’IA va permettre l’émergence de professions inédites.
L’intelligence artificielle requiert notamment des professionnels capables de la nourrir de données, de la maintenir, de remédier aux éventuels problèmes techniques. De nouveaux métiers liés à l’IA vont voir le jour et se développer, même si une large part de ces tâches pourrait être à son tour automatisée. Selon un article publié par le New York Times en 2019, les chercheurs en IA espèrent réussir à créer des systèmes capables d’apprendre à partir de volumes de données moindre. Toutefois, à court terme, le travail humain reste essentiel.
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